À la croisée de chemins | Karl Kugel

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à la croisée de chemins – cross roads

La photographie qui me touche se situe entre témoignage – la fonction documen-taire du medium – et sa dimension fictionnelle – son dispositif. C’est une photographie qui assume un paradoxe : la photographie est à la fois forte – sa fausse transparence – et tellement fragile : la question de l’interprétation, du sens – la polysémie des images . Avec la photographie, les images et les signes, ce sont aussi depuis une vingtaine d’années des réalisations en lien avec des pratiques vivantes, des constructions provisoires ou pérennes. Quand on prend son temps et que l’on respecte les réalités de l’Autre, la photographie peut être une clé extraordinaire pour ouvrir les portes de territoires, de lieux et ainsi approcher à bonne distance, avec respect, la différence et quelque fois l’espace de l’intime de femmes et d’hommes rencontrés.
Sans les Autres, croisés ici et là, sans le temps passé avec eux, il n’y aurait pas grand-chose, sinon quelques exercices esthétiques, des coquilles vides, des sphinx muets comme le disait l’ami et défunt Jean-Paul Curnier. Ils sont nombreux, ceux et celles rencontrés au fil du temps et à la croisée de chemins dans de nombreux pays, de ma région d’origine à La Réunion et les compagnons de route avec qui nous avons vécu des aventures créatives et vivantes. En tissant le scénario de cette exposition et la mise en page de l’édition, je pense à eux et à tout ce qu’ils m’ont m’apporté, à ces projets donnant sens à ma présence au monde dont on trouvera ici et là quelques indices : la vie avance doucement à la vitesse de la lumière. C’est avec cet outil – la photographie – que je poursuis un chemin de rencontres et d’expériences et un travail du regard. L’ensemble des extraits reproduits dans cette publication couvre une période de 40 années mais, bien que chronologique, cet ensemble n’est pas une rétrospective : cette exposition proposée par la Cité des Arts et la direction des Affaires culturelles est une tentative, avec des extraits de réalisations, de traduire le non spectaculaire, un « état des choses », et des questionnements en liens à la production d’images. Enfin, comment cela est visible depuis un moment, un « changement de paradigme » d’un monde cybernétique « globalisé » est en cours : nous assistons certainement à la fin d’une photographie qui tentait d’effleurer le réel, nourrie d’expériences et d’imaginaires, une illusion vitale inexorablement emportée par le fleuve continu des images précuites des écrans et celles virtuelles de la culture et de l’idéologie de l’espace vide et clinquant du métavers.


66 pages
format 20 x 26 cm


Informations complémentaires

Dimensions 20 × 25 cm
Pages

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